Epinglés ! présente les découvertes des bibliothécaires et des lecteurs, des livres récents ou plus anciens, parfois méconnus, et qui méritent un coup de projecteur.
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L’oncle Ernie est tombé dans le business de conserves de poissons juste après la fermeture du chantier naval Simpson. Depuis lors, il pense, vit, respire poisson. Sa maison, parcourue de tuyaux, de vannes et de canalisations, s’est transformée en une usine tonitruante qui fleure la marée. Porté par sa joie extatique, le bienheureux Ernie s’y meut comme une carpe au court-bouillon, savourant avec délice l’accroissement de son empire aquatique. Sa femme Annie et son neveu Stan ne partagent pas vraiment son enthousiasme, ni sa passion pour l’évidage du poisson dès 6h du matin, dans le joyeux grincement des machines. Malgré tout, le commerce est prospère et les Superbes Sardines Potts ont l’air d’avoir de l’avenir. Enfin ça, c’était avant l’arrivée de Clarence P., le pourchasseur de « voisains egsentrics »…
Mais, si vous le voulez bien, laissons ce pan d’intrigue de côté. Aujourd’hui, c’est l’anniversaire de Stan et, grâce à la pugnacité de sa tante, il hérite de dix livres et d’un jour de répit. Ça tombe bien, une foire vient de s’installer à Fish Quay Lane. Au stand de la pêche aux canards, Stan, ému par les poissons rouges qui tournent en rond dans leurs minuscules sacs d’eau, est déjà sur le point de rencontrer son destin. Dostoïevski, le patron des palmipèdes en plastique, comprend très vite que ce gamin-là n’est pas comme les autres. Très vite il l’accueille dans sa petite famille et puis, dans la plus grande, celle des forains. Entre alors en scène, comme l’avait prédit la voyante Gypsy Rose, l’extraordinaire, le mirifique Pancho Pirelli, l’homme qui nageait avec les Piranhas… Et il a vu en Stan son glorieux successeur…
Merveille, encore, que ce roman de David Almond ! Récit d’apprentissage porté par un narrateur omnipotent (qui s’élève, s’élève, et prend parfois beaucoup de hauteur…), il multiplie les strates narratives et adresses au lecteur, qu’il interroge sur l’avancée de son histoire et met dans la confidence par ses effets d’annonce. On pourrait parler de métafiction ; l’important, dans tous les cas, est la dimension ludique qui en découle, animée par le jeu constant entre son facétieux narrateur et nous, narrataires.
Le style est vif, l’histoire à la frontière du réel et de l’imaginaire, dans l’entre-deux, comme dans le très beau et atypique Je m’appelle Mina. La part de rêves, les mots qui embarquent, le souffle poétique sont toujours présents, mais le ton est plus enlevé, bien que notre protagoniste, forcé de travailler pour un oncle qui débloque et de passer ses nuits dans un placard, n’ait pas une existence des plus heureuses la première fois qu’on le croise ! Les situations très cocasses, voire absurdes, et la galerie de personnages absolument déjantés balayent ces débuts difficiles. À coup sûr, le féroce Clarence P., pourfendeur de dingueries en tous genres et sa folle équipe du « départemen pour l’interdiction des nuisansses gluantes d’urluberlus egsentriques » sauront vous faire sourire ou je ne réponds plus de rien !
À bien des égards, Stan rappelle le personnage de Maëlle Fierpied, Peter, ce garçon-oiseau qui, après un parcours semé d’embûches, prend son envol — au sens propre comme au figuré — et trouve dans le milieu du cirque et ses freaks sa petite place dans le monde.
En bref, un vrai conte en forme de roman, à lire dès 9 ans, avec des gens qui ont bon coeur, des médiums, des hommes-sangliers et… des garçons qui nagent avec les piranhas !
Mélanie, bibliothécaire
Vérifiez la disponibilité en bibliothèque :
Le garçon qui nageait avec les piranhas, David Almond (Gallimard jeunesse, 2012).