Epinglés ! présente les découvertes des bibliothécaires et des lecteurs, des livres récents ou plus anciens, parfois méconnus, et qui méritent un coup de projecteur.
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La belle gueule d’Édouard Louis.
Il ne semble pas peser grand-chose ce livre, assez mince, à la couverture blanche liserée de rouge, parce que publié aux Éditions du Seuil.
Effet trompeur ? Découvrons-le ensemble si vous le souhaitez.
En finir avec Eddy Bellegueule est donc le titre de ce premier roman, mais non premier écrit, qui a pour auteur le très jeune Édouard Louis ; 21 ans à peine.
Roman aux airs de récit, à moins qu’il ne s’agisse plutôt du contraire caché sous l’appellation « roman », cet ouvrage est le second d’Édouard Louis. En effet, avant celui-ci, l’auteur a été directeur de publication de Pierre Bourdieu. L’insoumission en héritage aux Presses Universitaires de France.
Mais venons à cette Bellegueule ; patronyme pas spécialement simple à porter et qui fut réellement celui de l’auteur jusque à ce que celui-ci obtienne son changement auprès de l’état civil, au profit d’Édouard Louis.
En finir avec Eddy Bellegueule nous emporte donc dans une balade sombre et sociale dans le nord de la France, au cœur du village où le héros a grandi. Et là, sous sa plume dotée d’une impressionnante maturité, il nous dresse le portrait d’une famille de basse classe sociale, dont le père est porté sur la boisson et la télé avec un côté macho ; une mère au foyer qui prétend qu’elle aurait pu avoir un autre destin que celui d’être à la tête d’une tribu de cinq enfants ; le tout sur fond de travail à l’usine et de maison insalubre.
Et au cœur de ce milieu très brute, chargé de préjugés, le jeune héros nous confie tout son apprentissage de l’amour et son questionnement par rapport au choix de sa sexualité et de ses sentiments, faisant écho des réflexions subies de la part de ses proches quant à un comportement jugé anormal, ou de ses passages à tabac par des étudiants du lycée où il est scolarisé.
Joyeux, drôle, léger ?
Vous l’aurez compris ce livre ne porte pas, ou si peu, de pareils sentiments au cœur de ses pages. Par moment, on se sentirait presque immergé dans un long métrage des frères Dardenne, ou dans certains grands classiques du 19e siècle (Germinal, Les Misérables…).
Où peut dès lors se trouver un éventuel intérêt de lire cet ouvrage ?
Ce livre est une promesse à l’espoir, au destin, au fait de vouloir se sauver, au sens propre comme au figuré, de cette situation, de ce monde, où Eddy pense ne pas avoir sa place, car profondément différent de ces personnes qui ne sont tout de même rien de moins que sa propre famille biologique.
Il a également, à mes yeux, pour force que chacune de ses pages, de ses phrases, est portée par ce style qui est le sien et duquel, comme je l’ai dit, ressort une grande maturité. Celle-là même qui ôte le sentiment d’un étalage inutile de misérabilisme, un déballage de vie privée pouvant mener au voyeurisme ; car au-delà de réalité, le récit est construit comme une œuvre littéraire forte et singulière, que certains apprécieront et d’autres pas.
François-Xavier, bibliothécaire
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En finir avec Eddy Bellegueule, Édouard Louis (Le Seuil, 2014).